Pour le premier article de la série " Les moments de… ", nous avons demandé à Patrick Arlettaz de nous conter les plus beaux souvenirs de sa carrière. Entraîneur de l'USAP depuis 2016, le natif de Perpignan a également porté les couleurs Sang et Or au début de sa carrière de joueur, de 1992 à 1996.
Quand on fait ce métier-là de toute manière, je ne vais pas être original, mais c'est toujours pour gagner des titres. C'est ce qui marque le plus. Il y a plein d'anecdotes, mais pour ce qui est des plus marquantes… En sénior, on en a gagné un en 1994 avec l'USAP, qui était le du Manoir (le Challenge Yves Du Manoir, ancienne coupe de France aujourd'hui connue sous le nom de " Tournoi national des écoles de rugby ", ndlr.). Ce n'était pas le championnat, mais c'était important pour nous parce que ça venait valider quelque chose. On venait d'échouer deux fois en quart de finale, c'était important pour nous de gagner une compétition, d'amener un titre, ça faisait depuis 1955 que l'USAP n'avait pas remporté de titre. Alors ce n'est pas le titre majeur, moi j'aurais aimé faire partie de la génération 2009, j'aurais adoré, c'était mon rêve de gamin. Mais nous l'avons fait, le du Manoir ça n'a pas la même saveur, mais nous on l'a pris comme un titre. On était engagé dans cette compétition et on l'a gagnée, ça a été un très très bon souvenir, l'impression d'avoir fait quelque chose pour le club, de l'avoir mis sur la scène nationale. Alors à hauteur, on est resté très objectif par rapport à ce qu'on avait fait, rien à voir avec ce qu'ils ont fait en 2009 bien évidemment, mais pour nous c'était important, parce que ça faisait un moment que l'USAP n'avait pas remporté de titre. Concernant le deuxième, c'est gagner le championnat avec Montpellier en PROD2. C'était un club qui voulait faire partie de la cour des grands, un jeune club avec beaucoup d'étudiants, et rentrer dans ce professionnalisme-là, mettre le club en TOP 16 à l'époque, enclencher en même temps la construction du nouveau stade... c'est une saison formidable, un très bon souvenir. Depuis, Montpellier est resté en TOP 16 puis en TOP 14. C'était quelque chose d'incroyable parce qu'on était une bande de copains qui ne se prenait pas trop la tête. On avait gagné ce championnat-là en faisant rentrer le club dans une autre dimension réellement. Même dans sa place à l'intérieur de la ville, pour les yeux des collectivités etc. Ça a changé beaucoup de choses et on a eu l'impression, vraiment, de faire quelque chose d'important pour ce club.
Bien évidemment on s'en est encore plus rendu compte sur les années qui ont suivies, sur ce que ça a enclenché, ce que ça a déclenché par rapport aux institutionnels, aux officiels, même par rapport à la dynamique sportive. À Montpellier c'est particulier : le hand est en première division, le basket en première division, le foot en première division. Il y a beaucoup de sport collectif en première division, et là on y mettait le rugby, ça rentrait dans le décor sportif de la ville. Alors bien sûr on en a pris conscience au fur et à mesure, mais déjà au début on avait l'impression que c'était un moment important pour le rugby, à Montpellier en tout cas. On l'avait perçu un tout petit peu, pas à hauteur de ce qu'il s'est passé par la suite, mais qu'on avait fait quelque chose de pas trop mal pour le club.
Oui c'était important parce que c'est vrai que ça faisait depuis 1955 que le club n'avait pas remporté de titre donc ça a été très important pour nous effectivement. Le fait de le remporter avec effectivement beaucoup de joueurs catalans, c'était en 1994 donc il y avait encore beaucoup de joueurs issus de la formation, oui ça nous tenait à cœur. Alors on aurait préféré remporter un championnat bien évidemment, mais déjà c'était une petite pierre qu'on mettait dedans et ça nous a paru excitant, important. Ça venait valider aussi la qualité d'un groupe donc c'était sympa.
Après on passe du côté entraîneur - ça me parait tellement loin maintenant tout ça - et on est obsédé par la même chose : gagner le championnat dans lequel nous sommes engagés. Donc, je ne vais pas faire dans l'originalité mais c'est vrai que les deux titres, ceux de 2018 et 2021, qui sont complétement différents l'un et l'autre. 2018 ça a été fait beaucoup sur l'enthousiasme, la fraîcheur, l'insouciance, la volonté de s'éclater, de prendre du plaisir, d'en faire prendre aux supporters, de redevenir conquérant… il a été gagné comme ça. Celui de 2021 est plus calculé, plus dans cette volonté de refaire venir le club en 2021 en TOP 14, et de montrer qu'on peut lutter là-haut. En 2018, c'est aussi pour ça que l'année qui s'en est suivi a été difficile, celui-ci était presque une finalité en soit de gagner le championnat. Celui de 2021 on l'a plus pris comme une étape, et c'était une étape importante. Il fallait gagner ce championnat là parce que c'est ce qu'on avait décidé, parce que c'était notre objectif, parce qu'on sentait qu'on en avait les moyens. Mais on l'a pris plus comme une étape pour pouvoir faire ce qui va se présenter maintenant, c'est-à-dire exister en TOP 14. Donc il y a une différence entre les deux, mais ce sont deux souvenirs magnifiques parce que quand tu es dans le championnat, que tu es attendu comme ça, que tu n'es pas favori les deux fois mais que finalement tu ne perds que cinq matchs dans l'année comme en 2021 et tu mets trente points en finale, tu as l'impression que finalement tu n'as pas trop fait de la merde quand même.
Ils sont tellement différents que c'est difficile, la construction est différente. Le titre de 2018, il est merveilleux, il est plein d'espoirs, les gens étaient tellement heureux, l'USAP sortait de 4/5 ans de vraie galère donc ça donnait une bouffée d'oxygène là-dedans. C'était fabuleux de voir les gens heureux, c'est aussi pour ça qu'on fait ce métier. Et celui de 2021 comme je dis c'était une marche, il aura pleinement son goût si on arrive à se maintenir à la fin de l'année, il sera pleinement accompli. On ne peut pas le dissocier de l'année qui nous attend.